Anaëlle Clot

Ma source d’inspiration première est mon environnement proche, le jardin, la forêt. La dimension du proche, du petit, de l’accessible – c’est là ou je peux aller à pied. Dans ces lieux je vadrouille, je contemple, je m’attarde sur les détails des écorces, des mousses, des lichens et champignons, des fleurs de bord de chemin, des insectes. Je me fais discrète, je ne suis pas seule. Je ne prélève rien ou presque rien, j’emporte des souvenirs, des sensations, des émotions et des images qui flottent, se déforment, muent, et parfois se transforment en obsession. La série La vie du bois mort me vient d’une de ces vadrouilles de laquelle je suis rentrée avec l’idée fixe de dessiner une souche qui grouille de vie.
Je suis bien consciente que ce qu’on appelle nature n’est pas naturel. La «nature» est un lieu de projection de l’imaginaire. Mon jardin est cultivé, la forêt est exploitée, les paysages sont modelés, standardisés… Je m’évade alors dans les détails de cette nature qui ne cesse de naître et de mourir, car les détails demandent une attention particulière et contiennent des mondes infinis.
Ma fascination pour les lichens par exemple vient en premier lieu de leur grand beauté, de leur ancienneté, du fourmillement de textures, de formes et de couleurs qu’ils offrent à l’oeil. Ils sont présents presque partout (8% de la surface de la terre) mais peu de gens les remarquent. En s’approchant d’un lichen on passe de la tache blanche, grise, verdâtre ou colorée à la forêt miniature puis, si on entre à l’intérieur, on découvre un mystérieux paysage lunaire. L’imaginaire prend son envol.
Les lichens me fascinent aussi car ils sont le résultat d’une symbiose entre une algue et un champignon. Cette idée de la vie en symbiose me renvoie à la pensée libertaire de Thoreau ou Reclus, aux réseaux d’entraide, au rêve de former des communautés riches de l’amitié et non compétitives.