Isabelle de la Touche

PEINDRE ET SCULPTER POUR MAGNIFIER

Peindre, pour Isabelle de la Touche, est un prétexte à l’exploration. La plasticité de son modelé et la lente déclinaison des « invisibles » surfaces blanches, la conduisent en réalité à reconstruire un espace en trois dimensions, à dépasser largement ce medium, pour se consacrer aujourd’hui, en parallèle, au dessin, à la sculpture, la photographie et à l’installation.

Forgeant son apprentissage dans la copie et les aspects les plus techniques du tableau, elle pratique une nature morte inspirée du Mexique, puis quitte résolument la couleur pour approfondir ses représentations dans un patient travail de révélation. Son protocole l’amène à charger la couche picturale, puis l'alléger, puis la rendre transparente, pour à nouveau la densifier jusqu'à atteindre l’intemporel. Sa lente déclinaison des différentes tonalités de blancs, des formes, des lumières, évoque l’utopie d’un infini, une méditation sur le temps et l’espace : une vanité.

Depuis quelques années, l’artiste entremêle les fils de l’Histoire, de sa propre histoire et des liens qui l’unissent à la compassion vis-à-vis des autres. C'est la raison pour laquelle elle utilise un simple rameau de bois flotté, « sauvé des eaux » sur le lac Léman, qui par sa dimension anthropomorphe, son évocation du caractère grec « Psy » (l’âme), devient une synthèse de ses préoccupations esthétiques et morales.

Avec « Hope », elle dégage donc de la nature son caractère profondément fragile. Dans un bronze sans cesse repris, ciselé, patiné, redoré sur ses extrémités, et tiré à différentes échelles, elle nous propose de réparer le temps et la vie. C’est dans cette relation à la nature, au paysage, à la beauté éphémère, qu’elle nous entraine.

Là, le manteau neigeux qui enveloppe le monde dans son état transitoire, ici, une simple feuille morte en équilibre dans une toile d’araignée : tout est prétexte à l’artiste pour faire jaillir l’invisible. Dans une poétique du monde, Isabelle de la Touche s’efface et se tient dans un équilibre précaire, entre disparition, affirmation et relais, pour interroger notre propre coexistence avec la nature.

Foglia

Une matinée d’automne, alors que je courrais en direction du lac avec mon chien, j’aperçu cette feuille de charme en suspension entre ciel et eau.

J’étais profondément émue. Elle était là, ondulant au gré de la brise, sans jamais tomber.
Elle s’était accrochée à une toile d’araignée tissée entre deux arbres.
Elle dansait indéfiniment entre ciel et eau…
Grace à mon téléphone j’en saisis la magie.
Depuis elle ne me quitte plus : je suis elle, elle est moi.

Puis il y eut l’envie de la sublimer.
Elle devint d’abord une feuille de bronze de 120 cm puis une feuille d’aluminium.

Maintenant elle danse toujours…

PIERRES DE NEIGE

Il neige.
Après une courte montée nous descendons le vallon de Réchy.
En haut il fait jour blanc.
Au fur et à mesure de notre descente, le temps s’éclaircit.
L’Ar du Tsan surgit du vallon.
Il ondule comme la trace d’un skieur.
J’épouse une de ses courbes et m’arrête brusquement.
Au milieu de ses falaises glacées je découvre une forme d’une douceur indicible : deux pierres reliées par un manteau neigeux.
Je reste hypnotisée par leur fragile sensualité si impalpable, si éphémère.

Je dois les toucher, les sentir sous mes paumes….

Alors elles se font marbre de Lasa, le seul marbre blanc résistant aux intempéries.
Extrait en altitudes, ses cristaux sont ceux de la neige…