Marie Frechette

ENTRE-DEUX

La couleur et le noir et blanc. Le clair et le flou. Le départ et lʼarrivée. Lʼimmobilité et le mouvement. Lʼhorizontal et le vertical.
Le fini et lʼinfini.
Racines noires et ciel blanc, la structure de lʼunivers semble impassible à la fureur des hommes.
Le bleu du jour traverse les cieux et les océans comme le jour contient la sève de la nuit.

Marie Fréchette, 2016

Le bonheur du jour

Chaque jour, pas un jour sans, mon appareil-photo trouve le creux de l’œil.
Rien à signaler. Tout du même poids. Celui du présent. Moment sans filet, objet sans gloire.
Mes voyages en voiture me valent leur lot d’avertissements de toutes sortes depuis que j’ai dit que je photographiais en train de conduire…
Les champs, les pylônes, les arbres, les autoroutes, les montagnes, et quoi encore ? Ah ! Oui, les outardes, bien sûr !
Ma vie quotidienne demeure toujours attentive aux oiseaux et aux jardins, aux architectures et aux paysages, aux trajets, aux objets, aux espaces, ici comme ailleurs.
Geste toujours neuf au-delà de sa répétition, je n’arrive pas à renoncer à saisir ce que je vois ignorant toute hiérarchie si ce n’est le flux de vitalité que j’éprouve à chaque fois.
Je travaille tout le temps, invisiblement, souvent à mon insu.
Au moment de montrer des éléments de cette activité quotidienne, le choix du petit format, encadré, sous passe-partout, pour orienter encore mieux le regard vers l’intérieur s’impose de lui-même.
Récitatif de l’image, comme un chant grégorien qui psalmodie dans une échelle modale la pulsion de son souffle.

Marie Fréchette, novembre 2013

Les oiseaux de plomb

Le travail à partir de l’iconographie de l’oiseau fait suite à travers le temps aux mammifères marins de 1990. Après le feu de l’atelier en 2001, j’ai refusé de travailler toute matière. Le choix de l’oeuvre photographique répondait entre autre à un besoin de distanciation avec tout ce qui avait été les outils de mon travail jusqu’au feu. Pourtant, dans l’intimité de mon atelier je me suis surprise à me procurer à nouveau du plomb en 2006, en même temps que je préparais les photographies pour l’exposition Paysages en mouvement, exposées en janvier 2007, à la galerie Turetsky. Deux années se sont écoulées entre Le Carré fait en 2006 à l’atelier rue de la Muse et l’automne 2008 où est apparu le premier vol d’oiseau à l’intérieur de trois contours rectangulaires presque dessinés à même la paroi du mur. C’est ainsi que deux dispositifs de mise en espace se sont imposés d’eux-mêmes. D’une part l’utilisation de la forme géométrique simple qui contient l’émergence des oiseaux, et d’autre part une chorégraphie narrative pour les vols, migrations et autres mouvements de l’oiseau ou de l’être. C’est devenu un flux continu d’oiseaux qui coulent, montent, descendent, volent, sortent de la matrice, s’envolent. Parfois un cri, une mise à mort. Mais la plupart du temps quelque chose qui se rapproche d’un désir viscéral de liberté voluptueuse.

Marie Fréchette, janvier 2010