Niklaus Manuel Güdel

(...) Spectres, grands absents, compagnons perdus ou éloignés, figures de l’enfance aspirées par le passé, les tableaux de Niklaus Manuel Güdel nous rappellent aussi à quel point tout être et chaque événement, même et surtout s’il nous a profondément « marqués », restera à jamais inachevé, fragmentaire, et comme cerné par une menace. Et le blanc de titane a bien ici quelque chose de menaçant. Si peindre, comme le dit Güdel, n’est pas immortaliser, mais « ouvrir une blessure », le blanc est ce qui suinte de cette blessure, ce qui inonde la plaie. Cézanne estimait que « la couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent ». Pour Niklaus Manuel Güdel, la couleur blanche de ses personnages, cette « non couleur » toujours salie, occupée par des restes de traits, de formes et de taches est l’endroit ou notre oubli et le monde vécu et aimé peuvent se rejoindre.

Extrait du texte de Pierre Péju, mai 2012