Thérese Houyoux

Un om pour le regard

Les formes sont pleines, suggestives, insistantes chez Thérèse Houyoux. Qui pourtant les fragilise (les restitue dans leur précarité ?), sur leurs supports de maculature aux délinéations piquetées à travers quoi migrent les pigments. Car l’artiste applique à ses « dessins » sur papier une technologie de couturière tatoueuse ou de copiste braille, puisse teinturière: elle trace ses effigies à l’aiguille ou au poinçon, selon la vieille manière de poncif qui permettait aux maîtres, en piquant les contours de leurs esquisses, de les reporter sur un nouveau support recevant les traces de poudre colorante. Laquelle, chez Thérèse Houyoux, est de l’encre d’imprimerie: débordant les pointillés, celle-ci prend sur la surface des inflexions de sombre indigo. Par endroits, le piquoir revient à la charge, aggrave la ligne, qui se « détache », se déchire dans le papier - et le matériau acquiert tout à coup une présence palpable, exposée au contact physique de celui qui manipule et regarde, seul, les feuilles assemblées en cahiers comme les lamelles rayonnées d’un coquillage. Mais, objets plats autant que dessinés et déployables, les conques de Thérèse Houyoux évoquent aussi les images archaïques de Willendorf, Lespugue, ou Aurignac qui la hantent depuis trois années. Elles sont la source de structures schématiques propices aux développements, à la restructuration, aux anamorphoses qui renvoient à une identité tout à la fois obsédante et en proie à l’insécurité: femme et non Vénus, projetée dans les « creux toujours futur » de la durée. D’où le besoin pour Thérèse Houyoux de multiplier, vérifier, faire progresser, d’interroger les mêmes formes d’une figure primordiale qui se superposent et se déportent comme les cartes demi-opaques d’une géographie brute où l’artiste ne cesse de chercher refuges et gouffres à l’écho de saint Jean de la Croux ébloui:
« todo y nada ».

Rainer Michael Mason, 1992