Sandrine Pelletier

À l’horizon 2009-2010, le travail de Sandrine Pelletier, jusqu’alors concentré sur le dessin et la broderie, prend un tournant décisif.
Délaissant aiguille et crayon, elle s’arme désormais d’un briquet et se confronte aux arts du feu : céramique, verre et bois brûlé.
En véritable pyromane des poncifs techniques et esthétiques, Sandrine Pelletier pousse cha- cun de ses nouveaux médiums à leurs points de ruptures. De l’expérience de ces derniers va se dégager un élément désormais crucial pour elle : l’accident. Bois calciné, verre fondu et brisé ou sur le point de l’être, céramique noircie vont développer le langage de l’artiste dans des directions qui ne feront l’impasse ni sur la figuration ni sur l’abstraction et le conceptuel.
L’atelier qu’elle occupe au Caire en 2012, juste après le printemps arabe qui a bouleversé le pays, a sans aucun doute lui aussi eu un impacte durable sur sa manière de travailler et sur ses références. De nouvelles muses surgissent en la jeunesse alternative cairote. De cette rencontre avec des codes inattendus dans un pays arabe vont surgir bon nombre de dessins au fusain qui sont regroupés dans un ouvrage produit et relié en Egypte. Toute la nouvelle grammaire de l’artiste y figure. On y trouve ainsi des références aux rituels, aux légendes et à l’exotisme mais aussi un intérêt nouveau pour la métamorphose, l’éphémère et l’accidentel. Ses constructions urbaines en bois réunissent ces nouveaux intérêts. La fragilité et la patine du temps cohabitent dans ces nouvelles architectures calcinées tels Nafas (2012), anamor- phoses directement inspirées des motifs islamiques, ou Oscar (2014) et Only the Ocean is Pacific (2015).
C’est que Sandrine Pelletier n’est pas une artiste éponge, elle n’absorbe pas le monde qui l’entoure, non, elle le scrute avec acuité et le métamorphose dans ses œuvres. Lorsqu’elle est invitée à participer, en 2014, au Vent des forêts, dans la Meuse, elle n’hésite pas à construire son propre four pour verrier en torchis et terre réfractaire en pleine forêt et à projeter, encore en fusion, la matière transparente, sur des constructions de bois brûlé. Les fils de verre, traces des gestes de projection désormais figés, tissent ici une toile d’araignée monumentale à la couleur ambre.
La spatialisation de son travail s’est ainsi considérablement développée. Elle crée en forêt, dans le désert, et même son dessin s’est libéré de la feuille pour gagner les murs, certaines fois de grandes dimensions comme son intervention lors de son exposition éponyme Only the Ocean is Pacific au Musée du Locle en hiver 2015.

Marco Costantini

(...) De multiples légendes et mythes associent le cheval aux forces dynamiques de destruction et de régénérescence. Réifiés dans le goudron, flancs ouverts, ceux de l’artiste rappellent les chevaux de l’Apocalypse, par leur allure de carcasse calcinée, ou la monture des figures maléfiques qui hantent certains récits populaires. Mais le fragile maillage qui les forme et leur caractère inachevé les assimile aussi à des énergies en devenir. L’impression simultanée de formation et de dissolution du cheval dans les lignes évoque aussi son assimilation au flux et au reflux de la mer.
Cette pièce convoque plusieurs aspects chers à Pelletier: son goût pour le maniement des matières et la création de nouvelles combinaisons, son attrait pour une iconographie populaire, aux résonances affectives fortes et symboliquement dense. Pelletier expérimente également ici la frontière entre abstraction et figuration. Elle s’intéresse au mouvement dynamique qui mène de la ligne à la figure et en explore le potentiel esthétique.(...)

Marguerite Pilven, 2009