Piero Pizzi Cannella

(...) L’évolution de Piero Pizzi Cannella suit depuis toujours un parcours circulaire. Son langage iconographique, original, traverse d’un rythme frénétique, impulsif et imprévisible, un peu comme celui de la vie, un imaginaire intérieur et personnel, qui grâce à la répétition, l’élaboration incessante et l’agrégation de thèmes et de signes distinctifs, construit et renouvelle un amoureux duel entre le corps inerte et allongé de la matière et l’énergie lacérant de la gestualité picturale. Tout en expérimentant et jouant avec une infinité des techniques, de supports, l’artiste définit et contemporainement brise l’éphémère et fuyante démarcation qui existe entre mythe et quotidienneté, signe et représentation, parcours individuel et drame collectif. Tout devient peinture et peinture encore. Il pénètre, se joue et dissipe la tradition picturale, sa potentialité protéiforme, fondamentale; celle-ci reste vivante à travers sa réalisation, son élan existentiel le hasard même sans aucune règle de jeu, acrobaties sans trame. Pizzi Cannella remplit et incendie d’abysses ces images d’objets et ces paysages qui habitent son univers de visionnaire et la mémoire collective...
 
…Tous les thèmes qui ont traversé le langage pictural de Pizzi Cannella sont repris et développés avec une intensité nouvelle connectée à la magie et à l’imprévisibilité de la nouvelle procédure qui constitue une ultérieure et fascinante étape de la construction d’un itinéraire qui, tout en caressant chaque technique, introduit et immerge chaque type de passion et d’obsession sur la représentation picturale, comme celle de l’existence. L’habit, abandonné mais encore chaud et sensuellement modelé par le corps qui vient de la quitter dans la grande illusion de la peinture, devient l’extrême hiéroglyphe d’une attente qui contient magiquement et contemporairement la présence et l’absence – un artifice qui seul le sortilège de la peinture peut se le permettre. Les transparences sublimes et inversés des vases placés dans un équilibre instable dans la salle du verre produisent une éclipse de verre sur la voluptueuse viscosité du bois. Le verre représente la transparence matériel, la lumière emprisonnée, retenue, qui s’amuse pendant un instant magique. L’ombre représente l’incorporel qui prend forme, incarcéré pendant un instant magique. La peinture prolonge la magie. Les éléments verticaux de la grille en fer forgé, la flèche qui indique tous les nord sont peut-être les squelettes qui portent le poids impalpable de la lumière. Ils blessent le silence austère de la planche et lui ferment la route, ils pontent vers le haut, indiquent la ligne verticale de la croix, l’axe de la figure humaine, l’axe de la peinture et semblent réclamer une frontalité qui n’est pas uniquement celle de la forme. Le corail donne aux flammes sa propre fragilité et résistance dans un enchevêtrement inextricable qui gronde sanguinolent vers le bas, comme les stigmates d’un saint sur un tableau ancien (…)

Mario Codognato, extrait du texte du catalogue « Polittici », 2001

Extrait de "La peinture blessée"

…La peinture est sa nature. Elle est spontanéité , nécessité et urgence, ici et maintenant, au-delà des styles et des intérêts. La peinture en soi. Non plus un moyen mais le but, une raison de vie. Si nous adoptions cette optique tout change. Nous rentrons dans une perspective différente et extrême. Nous en subirons les limites, et peut être, payerons le prix de son halètement exalté. Le rapport avec la peinture devient quasiment religieux ; dune religiosité laïque et pécheresse, parce que peindre est une pratique absolument terrienne même lorsque elle intéresse les dieux.
La mémoire représente pour Pizzi Cannella une sorte de récipient poétique dans lequel il faut puiser un nombre infini d’idées, de trace de la vie, de soi et des autres. C’est souvent le répertoire de ces traces qui fournit le titre de ses œuvres qui ressemblent à des vers poétiques et, bien souvent, habitent les tableaux et les dessins, avec les lettres qui se confondent presque aux trames, à la matière, à la couleur. Un tel peintre se devait d’être connu, je décidais de le connaître…

Roberto Gramiccia

Pizzi Cannella

L’oeuvre naît d’un affrontement entre peinture et dessin, dans l’empiètement réciproque de ces deux dimensions expressives. Ainsi la couleur franchit volontiers les frontières de la trace du dessin et le dessin ne se laisse pas contraindre par l’épaisseur de la matière picturale. Un érotisme nerveux et léger guide la composition en favorisant les échanges entre ces langages. Immergées dans un tissu de couleur et dans un réseau de signes rapides, les images fluctuantes et imprécises se laissent identifier et reconstruire par le regard du spectateur : le temps de la contemplation rejoint ainsi le temps de l’exécution.

Achille Bonito Oliva (Extrait)